En renonçant à leurs activités dans la migration irrégulière, la plupart des acteurs disent avoir gagné la paix. Et aussi, une conscience plus tranquille. Le transport des migrants était une activité dangereuse pour tout le monde: les migrants abandonnés dans le désert pouvaient mourir de soif tandis que les chauffeurs étaient exposés aux accidents et aux attaques.
Zeinabou Djibo, 61 ans, vend de la nourriture à la gare routière d’Arlit depuis 40 ans. Elle a bien gagné sa vie avec les migrants et vient de bénéficier d’un appui de l’Union européenne pour relancer son restaurant. « Les temps ont changé. J’ai bien apprécié qu’on mette un terme à la migration. Ce qui est illégal, il vaut mieux l’arrêter. La traversée est très dangereuse. On abandonne parfois les migrants dans le désert, au péril de leur vie. Même si je profitais bien d’eux, j’approuve cette mesure, parce que tous ces morts dans le désert n’honoraient pas le Niger. »
La plupart des anciens chauffeurs, que ce soit vers la Libye ou l’Algérie, parlent des risques d’attaques et du prix que la route réclamait.
Abdoul-Nasser Mohamed Daouda, 32 ans, propriétaire d’une maison dans la vieille ville d’Agadez, a travaillé sur le chantier de réhabilitation. « J’ai fait la Libye, le Sahara. J’ai tout fait pour gagner ma vie », raconte le jeune homme, qui fait vivre une famille de 7 personnes. « J’ai pris tous les risques dans ma vie. J’ai même failli rentrer en Italie. Je suis allé jusqu’à Tripoli. J’ai gardé une cicatrice des coups qu’ils m’ont donnés. Je rêvais d’une vie meilleure : je n’ai trouvé que la souffrance. » Le jeune homme plaisante sur ses plus mauvais souvenirs : «en Libye, il faut toujours porter des baskets pour fuir plus vite au moindre incident. Si on t’arrête, on t’enferme et tes parents sont obligés de payer une caution. Aujourd’hui, j’ai un toit ; je suis en paix. Même si la Libye est à deux pas, je n’irai plus. »
Le manque d’emploi et le contexte géopolitique sous régional tendu rendent le pays vulnérable à l’insécurité, à l’extrémisme violent et à la criminalité. Hadja Zara Mahamadou, présidente régionale à Agadez de l’Association des femmes nigériennes contre la guerre, estime que tous les acteurs doivent être conscients de la nécessité de protéger la paix.
« Voyant tout ce qui nous entoure, ce qui ce passe en Libye, ce qui ce passe au Mali, je m’inquiète pour nos jeunes. On a connu des rébellions. Ces jeunes-là savent manipuler des armes. Ceux qui sont là, qui sont oisifs, qui vivaient de la migration, qu’est-ce qu’ils vont faire ? » s’interroge Hadja Zara Mahamadou. « Ils risquent de se faire recruter par ceux qu’on ne veut pas. Aujourd’hui, il faut éviter l’extrémisme violent, l’extrémisme religieux. Il faut que nos enfants soient occupés. »
Salissou Barmou, 37 ans, fait écho à ces tentations du pire. Ancien militaire, il gagnait très bien sa vie en tant que logeur de migrants. Il s’est reconverti au sein d’une coopérative de taxi moto avec l’appui de l’Union européenne.
« Sans cette aide, je vous assure que je serais devenu un voleur. Je gagnais 200 000 à 300 000 francs (300 à 450 euros) par convoi et d’un coup, plus rien », raconte-t-il sans ambages. « J’ai décidé de stopper mes activités parce que la loi l’interdit et parce qu’on pouvait avoir des remords, parfois, à cause des gens qu’on faisait passer et qui mouraient dans le désert. Mais attention. C’est comme le serpent quand il est coincé. Ceux d’entre nous qui souffrent risquent de reprendre leurs activités d’avant, faute de mieux. »
Details
- Publication date
- 6 September 2019
- Region and Country
- Niger
- Thematic
- Greater economic and employment opportunities
- Partner
- Haute Autorité à la Consolidation de la Paix - HACP