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News article22 January 2020

Les points de débarquement, une priorité pour le secteur de la pêche en Mauritanie

Les points de débarquement, une priorité pour le secteur de la pêche en Mauritanie
OIT

Fin de formation pour les fournisseurs de Services d'Appuis aux Entreprises (SAE) du Programme Promo-Pêche en Mauritanie. Avec l'appui de l'Union européenne et du Bureau International du Travail (BIT), le 15 août dernier, les équipes de SAE ont procédé à la restitution de leurs travaux de fin de formation, des propositions de plans de développement des sites de débarquement qui leur étaient désignés, Tiwlit, Ndemeich, M'Heijrat et Legweichich.

Un reportage sur l'un des sites, celui de Tiwlit, a permis de retracer la dernière entrevue entre l'une des équipes de SAE et les populations locales pour la validation du plan d'action prévue pour le développement de leur point de débarquement.

Après quatre mois de formation et autant de visites de terrain sur les sites qui leur ont été affectés, vingt-trois membres de 12 structures susceptibles de fournir des services d'appui aux entreprises (conseil, comptabilité, commercialisation, financement, etc.) dans le secteur des pêches en Mauritanie, ont restitué le 15 août 2018 à Nouakchott, leur plan de développement pour les points de débarquement aménagés (PDA) qui leur ont été assignés.

Pour le développement de la pêche artisanale

Quatre sites de débarquement, le long du littoral entre le point kilométrique (PK) 115 au nord de Nouakchott et le PK 144 au sud, ont été retenus par les autorités mauritaniennes pour servir de Points de Débarquement Aménagés (PDA) des produits de la pêche artisanale. Des sites sur lesquels, le Programme Promo-Pêche devra bâtir ses stratégies de développement entre 2018 et 2022. Il s'agit des sites de Tiwlit et de M'Heijratt, respectivement aux PK 95 et PK 115 sur la route Nouakchott-Nouadhibou, de Legweichich et Ndemeich, aux PK 93 et PK 144 sur la route Nouakchott-Rosso.

Aux termes d'une intense formation de cent-vingt jours, quatre équipes de SAE ont présenté chacune son site, la méthodologie de la démarche adoptée pour la conception de sa stratégie de développement, le contexte du lieu, les interventions antérieures et la vision d'avenir à l'horizon 2022.

Cette formation fait partie du Programme Promo-Pêche, financé par l'Union européenne et l'Allemagne à hauteur de 27, 5 millions d'Euros et mis en œuvre par le BIT, la coopération espagnole (AECID) et la coopération allemande (GIZ).

L'objectif est d'appuyer le développement du secteur des pêches en Mauritanie, en valorisant les chaînes de valeur pour créer, entre 2018 et 2022, des emplois décents pour les jeunes et renforcer les petites et moyennes entreprises, tout en assurant une pêche artisanale durable basée sur l'implication des femmes.

Un des principaux maillons faibles identifiés dans ce secteur est justement l'absence de services d'appui aux entreprises adaptés aux réalités du secteur, d'où cet important effort de formation qui a permis de mettre à niveau 12 structures, y compris des ONG, des cabinets privés, des associations professionnelles, des institutions de microfinance, etc.

Dans les prochains mois, les propositions conçues par les quatre équipes de SAE comme une part de leur formation, seront intégrées dans une réflexion plus large sur les stratégies de développement des points de débarquement. Au final, les 12 structures ainsi formées pourront être retenues pour fournir des services d'appui aux entreprises dans le cadre du Promo-Pêche.

Quelques jours avant la restitution, une des équipes de SAE s'était rendue pour une dernière visite à son point de débarquement, celui de Tiwlit, pour valider la stratégie de développement qu'elle avait conçue d'un commun accord avec les populations. Reportage.

"Un point de débarquement ici, à Tiwlit, est un gage de sécurité pour nos embarcations"

"Ce lundi 6 août 2018, aucune des 400 pirogues de Tiwlit n'a pris la mer. La houle est trop forte et les risques en pertes énormes" affirme Bouh Ould Boyibah, pêcheur. Comme lui, les Imraguens de Tiwlit, village situé à 95 Km au nord de

Nouakchott, s'accrochent au point de débarquement que l'Etat mauritanien, avec l'appui du Bureau International du Travail (BIT) et l'Union Européenne, compte aménager. L'arrivée de l'équipe de prospection, dans sa quatrième rotation pour la collecte d'informations, les rassure.

"Tu vois ces pirogues, au milieu de l'Océan ? Aucune d'elle n'est allée aujourd'hui en mer, à cause de la houle". Bouh Ould Boyibah, les tempes grisonnantes, balaye de la main l'étendue brumeuse, là où des centaines d'embarcations tanguent entre les vagues. Son épouse, Hana Mint Yargueit, renchérit. "Chacun veut des financements, mais cet ouvrage commun, le point de débarquement, est une priorité pour nous, car il empêchera la houle d'emporter nos pirogues".

L'enthousiasme se lit sur leur visage et celui d'une vingtaine de personnes qui regagnent un vaste bâtiment construit en 2000 par les Japonais. Les y attend une équipe de prestataires de services d'appui aux entreprises (SAE) formée par le BIT, venue spécialement de Nouakchott ce lundi 6 août pour partager le diagnostic établi ensemble lors des précédentes visites. Cette équipe, formée en entreprenariat dans le domaine de la pêche artisanale, est chargée d'élaborer une stratégie de développement et un plan d'action sur trois ans pour la gestion du point de débarquement de Tiwlit.

"Nous vous restituons votre ordonnance"

Le calme eut du mal à s'établir. Nalla Guèye, membre de l'équipe de SAE, ouvrit les débats. "Nous sommes venus partager les informations recueillies lors de nos entrevues pour confirmer certaines données, compléter et clarifier certains points.

En fait, on vous restitue votre propre ordonnance ", dit-il dans un sourire. Puis, les grandes lignes. "Selon vous, Tiwlit c'est 778 habitants, dont 258 autochtones, et environ 500 occupants des campements de pêche". L'assistance acquiesça.

"Il y a 13 coopératives, dont 6 exclusivement féminines pour la transformation et une seule coopérative d'hommes pour la pêche". Un autre grognement d'approbation.

Il passa en revue les difficultés, notamment le manque de formation, d'équipements, de moyens de conservation des produits de mer, de transport entre le village et la route nationale…

"Selon vous, Tiwlit a bénéficié de plusieurs interventions dans le passé" rappela-t-il, et il cita "deux salles construites par les Espagnoles en 1982, projet inachevé dites-vous, avec une chaîne de froid jamais réalisée; un bâtiment multifonctionnel, don du Japon, celui où nous sommes présentement, composé d'une salle de formation, une salle de réunion, une école primaire et un centre de santé qui n'ont jamais fonctionné faute d'enseignant et de personnel soignant; d'une "Tikit" offerte par le Japon en 2000 pour la transformation du poisson, aujourd'hui en abandon; un bâtiment "Mechrou" constitué de 3 pièces pour le stockage du poisson en phase de dégradation avancée, mais qui peut être réhabilité et équipé. Certaines coopératives ont aussi bénéficié de financement de l'Agence Tadamoun, sans compter plusieurs formations…" énuméra Nalla qui attendit l'approbation de la salle. Il fut accueilli par une pluie de "Walahi ! Walahi !".

Ressources abondantes, population pauvre

Le plus grand drame des habitants de Tiwlit, la mainmise des mareyeurs, maîtres de la filière, notamment de la principale activité, la pêche aux poulpes, exercée en juin-octobre, puis janvier- mai. "Nous ne gagnons que des miettes. Ils nous payent le kilo à 2200 UM, puis revendent à Nouakchott entre 4.000 et 5.000 UM" rouspète Mohamed Ould Boubacar, capitaine de pirogue. "C'est de l'esclavage moderne" ajoute-t-il avec véhémence. Pourtant, ce sont 107 tonnes de poulpe capturées chaque année.

Deuxième activité, le mulet, pêché entre octobre et mars, 7.500 pièces pour une campagne. L'essentiel de la production, financée par les mareyeurs, est commercialisée et peu destinée à la transformation. Le calamar ou "Tcheko" est la troisième variété la plus prisée, avec une campagne de mars à juillet, et une production annuelle de 100 tonnes envoyées à Nouakchott. "Cette pêche est mal maîtrisée par les Mauritaniens, d'où le recours aux Sénégalais" renchérit Mohamed Ould Boubacar.

Enfin, la courbine, pêchée entre octobre et février, pour l'autoconsommation, vu sa faible valeur marchande. "Les investisseurs ne s'y intéressent pas et son équipement est cher" souligne Nouh Ould Abdallahi. De 100 tonnes pêchées dans le passé, la courbine ne représente plus que 25 à 30 tonnes annuellement, explique Bouh.

Les femmes transformatrices de Tiwlit

L'activisme des femmes Imraguens est légendaire. Elles ont un savoir-faire ancestral dans la transformation de la poutargue et du mulet. Elles en font du Tichtar et de l'huile aux vertus médicinales. Cette activité leur rapporte environ 120.000 UM mensuelles. Ce commerce lucratif serait à l'origine de leur établissement au bord de la route Nationale reliant Nouadhibou et Nouakchott. Mais leur absence d'esprit d'anticipation sur des activités saisonnières font qu'elles entament souvent tardivement les campagnes de pêche. Ajouté à cela, l'absence de toute activité entre juin et septembre.

Pas d'accès au crédit, pas d'infrastructures

Livrés à eux-mêmes, malgré l'intérêt accru des partenaires, "les Imraguens de Tiwlit ont besoin d'encadrement et de suivi", selon Harouna Sall de l'ONG M2000 et prestataire de SAE. Ainsi, contrairement aux mareyeurs et usiniers qui maîtrisent les rouages de la finance, les Imraguens ignorent le micro-crédit. La solution, selon les SAE, l'accès au crédit adapté, un bon matériel, des moyens de conservation, un point de débarquement, entre autres.

Successivement, Yacine, Zeynabou et Dia, de l'équipe de SAE, ont présenté un diagnostic général, mettant en exergue les points forts et les points faibles, les opportunités, les menaces, une vision, au niveau de toute la chaîne de valeur.
Abderrahmane Chevif a esquissé un plan d'action pour la gestion du site, avec des points à compléter.

C'est le fruit d'un tel échange que l'équipe SAE de Tiwlit, à l'instar des autres, a restitué le 15 août 2018 devant des représentants du BIT et de l'Union européenne, en présence de la directrice du Ministère des Pêches et de deux habitants de M'Heijratt qui, au nom des populations, ont dit tout l'espoir qu'ils attachent à la réalisation des points de débarquement et leur impatience de voir vite la mise en œuvre de l'ambitieux plan de développement conçu pour leur localité.

Details

Publication date
22 January 2020
Region and Country
Mauritanie
Thematic
Greater economic and employment opportunities
Partner
OIT - ILO - Organisation Internationale du Travail - International Labour Organization

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