Gao a été envahi en 2012 par des militants islamistes armés, et presque toute la population de la ville – 80 000 sur un total de 102 000 – a fui.
Mariam Souleye a quitté Gao avec ses quatre enfants, allant jusqu’au Niger où elle est devenue une réfugiée. Avec l’expulsion des militants armés et la restauration d’un semblant de paix, elle est revenue en 2014 dans sa ville, maintenant presque morte.
Que faire? Comment vivre? Mariam a discuté de ce problème avec plusieurs de ses amies qui sont revenues en même temps. « Nous avons décidé que nous ne voulions pas continuer de quémander indéfiniment. Alors, on a créé notre association, Gourey Ben.
Le nom veut dire “Fini de Courir” et l’association, qui compte aujourd’hui 47 membres, s’est consacrée à la fabrication de pâtes de vermicelle et de couscous que ses membres vendent ensuite à la population locale.
Chaque membre paie une cotisation et une somme chaque semaine pour acheter de la farine et d’autres ingrédients, et tous les six mois chacune reçoit sa part des profits. La demande pour leurs produits croît de mois en mois.
« Notre association, ainsi que d’autres ici, démontre aux gens qu’ils ne doivent pas quitter la ville pour chercher de la nourriture, » dit Mariam. « Et elle agit comme exemple. D’autres ont créé leurs propres associations avec, comme résultat, davantage d’emploi et les gens peuvent rester dans la ville. »
Le travail de Gourey Ben a attiré l’attention du Fonds Fiduciaire de l’Union européenne pour l’Afrique et du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. En 2018, avec de l’argent du Fonds, le HCR a installé une nouvelle pompe à eau dans le quartier tout près du local de l’association.
« La pompe nous aide beaucoup, » dit Mariam. « Avant, beaucoup de femmes devaient se lever au milieu de la nuit pour chercher de l’eau à une pompe lointaine. Et pour notre association, la différence est importante. Elle nous permet d’augmenter considérablement notre production.
Un autre coin de la ville, et une autre association. Celle-ci s’appelle Bony Ben, ou « Fini d’Être en Manque ». Il s’agit d’un immense jardin potager sur les berges du fleuve Niger qui longe la ville de Gao. L’association, fondée en 2007, compte 18 membres.
La prise de la ville par des militants islamistes en 2012 a failli porter un coup mortel pour l’association. Six de ses membres ont fui les hommes armés. Mais les autres membres ont refusé de quitter la ville ou de cesser de cultiver leurs légumes.
« Pendant cette période, on nous a permis de travailler mais nous avions peur, » dit Bouchira Touré, présidente de l’association. « On était obligé de se couvrir totalement le visage et le corps. »
« Après les événements, les six femmes qui avaient fui sont rentrées pour rejoindre celles qui sont restées pendant les temps difficiles. C’est grâce à cette parcelle que nous arrivons à répondre aux besoins de nos familles. »
Les membres de l’association prennent des légumes dont elles ont besoin et en vendent le reste, et ensuite elles en partagent les profits. Leur rêve est maintenant d’obtenir une nouvelle parcelle près du fleuve pour agrandir leur entreprise.
Djamila Amadou ne fait pas partie d’une association; sa contribution est personnelle à sa ville, et elle est importante.
Elle est infirmière en chef au Centre de Santé de Référence de Gao, l’hôpital général pour la région. Comme la vaste majorité des citoyens, elle a fui dans la peur au moment où des islamistes armés se sont emparés de la ville. Pendant presque trois ans, elle, avec ses enfants, sa soeur et sa mère, était une déplacée interne, vivant difficilement à la limite de la zone de conflit.
Avec le rétablissement de l’ordre à Gao, elle est revenue, mais le retour au travail fut douloureux. Les militants avaient saccagé son hôpital.
« Ils ont tout volé », dit-elle. « Il ne nous restait rien, pas de portes, pas de fenêtres, rien. Nous avons installé des rideaux pour recevoir les patients. Ça m’attriste, et ça me met en colère de penser à notre lieu de travail détruit. »
Avec l’aide de l'Union européenne, du HCR et de plusieurs ONG, l’hôpital a été remis en état.
Aujourd’hui, des patients arrivent de partout dans la région, même depuis des localités où des bandits armés ont toujours le contrôle, et Djamila travaille 10 heures par jour, à la tête d’une équipe d’infirmières et de stagiaires. Son travail de secouriste ne s’arrête pas à l’hôpital.
Chez elle, un groupe de 20 à 30 femmes, plusieurs avec de petits enfants, arrivent chaque soir après la journée de travail. Ces femmes sont des déplacés internes, obligés de quitter leur village dans le centre du pays où des bandits continuent à terroriser la population.
Selon Djamila, la première de ces femmes est arrivée à sa porte il y deux ans, demandant si elle pouvait dormir par terre chez elle.
« Je ne pouvais pas dire non. Maintenant elles sont 30, elles ne connaissent personne ici, elles font le ménage pendant la journée, elles envoient un peu d’argent à leurs vieux parents dans les villages, et elles dorment ici la nuit. »
Pour Djamila, l’aide qu’elle offre à ces femmes est une continuation de son travail à l’hôpital.
« Nous n’allons pas baisser les bras. Avant tout, c’est notre région, c’est notre ville. On va continuer à lutter jusqu’à notre dernier soupir. »
Details
- Publication date
- 1 October 2019
- Region and Country
- Regional
- Thematic
- Strengthening resilience of communities
- Partner
- The UN Office of the High Commissioner for Human Rights