C’est en matière d’action sociale que l’engagement citoyen des jeunes dans les pays du G5 Sahel est le plus dynamique : lutte contre le mariage précoce des jeunes filles, protection de l’environnement, soutien aux victimes des conflits ou encore réinsertion des jeunes exclus. Au Mali, ce sont les associations de jeunesse qui ont ouvert en 2012 le premier couloir humanitaire vers les régions du Nord alors contrôlées par les mouvements djihadistes. Au Burkina Faso, ce sont encore les associations de jeunes qui ont soutenu le mouvement d’alternance politique de 2014. Cet engagement s’exprime essentiellement à travers les organisations de la société civile, car les jeunes reprochent aux partis politiques de ne leur laisser qu’une place marginale pour s’exprimer. La crise de confiance entre la jeunesse et les élites politiques a passablement dégradé l’esprit civique et le sens de l’intérêt commun. Face aux aînés qui déplorent le manque de respect des coutumes et la dégradation des mœurs, les jeunes opposent un déficit de transmission de valeurs et d’exemplarité. La jeunesse du Sahel est ainsi à la recherche de son identité.
En 2017, à travers les 25 cadres locaux et nationaux de dialogue mis en place dans les cinq pays du G5 Sahel, 1'250 représentants d’organisations de jeunesse ont esquissé une lecture croisée avec les représentants de leur gouvernement respectif des défis et des pistes de solutions en matière de participation citoyenne. En 2018, les participants au dialogue décideront des chantiers à ouvrir dans chacun des pays pour répondre aux enjeux perçus comme prioritaires.
Vers l’éducation civique
« Les jeunes rejettent toute la faute sur les autorités. Mais qu’en est-il de la responsabilité des jeunes qui refusent de faire leur part du travail ? »
Pour contrer l’incivisme de nombreux jeunes, les organisations de jeunesse proposent comme première mesure l’instauration d’un enseignement civique et moral dans les enceintes scolaires. Celui-ci devrait être dispensé dans toutes les langues nationales afin de sensibiliser efficacement les jeunes à leurs droits et devoirs. Cet enseignement permettrait également de favoriser leur engagement en faveur du développement de leur région. De même, si davantage de services publics étaient offerts en dehors des centres urbains et dans les régions plus isolées, les perceptions de la jeunesse vis-à-vis de l’administration, et leurs comportements vis-à-vis des biens publics, évolueraient favorablement. En complément, les organisations de jeunesse ont mis l’accent sur l’importance d’organiser des manifestations culturelles et sportives réunissant toutes les régions de leur pays respectif pour renforcer la cohésion nationale.
Davantage reconnaître les nouvelles formes d’engagement des jeunes
« Il y a une crise de confiance entre jeunes et représentants de l’Etat. Si dialogue il y a, c’est seulement dans le cadre de ce projet. Dans le monde réel, les deux ne se parlent pas et ne se font pas confiance. Les forums sur la jeunesse ne sont que folklore. Les Conseils nationaux de la jeunesse sont même des acteurs de division.»
Les jeunes sont à la recherche de nouveaux espaces démocratiques, davantage en accord avec leurs besoins et leurs aspirations. Ils désertent les partis politiques, car ils ont le sentiment d’être manipulés en période électorale alors que leurs préoccupations sont oubliées une fois les élections passées. Selon les organisations de jeunesse, ce manque d’attention des partis politiques et des autorités a contribué à l’essor de nouveaux mouvements citoyens de la jeunesse qui demandent plus de reconnaissance de la part des Etats. C’est le cas du Balai citoyen au Burkina Faso, mouvement issu de la société civile et co-fondé par un musicien de reggae et un animateur de radio, qui a organisé d’importantes actions de protestation en 2014. Le développement de ces nouvelles formes d’engagement citoyen est facilité par l’essor des moyens de communication, au premier rang desquels les réseaux sociaux. Une page Facebook, un compte twitter ou Instagram suffit à rallier des soutiens à une cause. Il n’est plus nécessaire d’être leader d’un parti ou d’un grand mouvement pour rassembler autour de soi.
Davantage intégrer les jeunes dans les organes de décision pour mieux réduire le fossé entre les générations
« Etre jeune n’est pas synonyme d’irresponsabilité. On ne peut pas acquérir de l’expérience si on continue à nous mettre de côté. » « Si nos ainés acceptaient de devenir nos mentors nous y gagnerions tous et la relève sera assurée.»
Alors que l’âge demeure un facteur déterminant dans l’établissement de la hiérarchie sociale, la participation des jeunes à la gestion de la chose publique reste mineure, notamment celles des jeunes femmes. Dès lors que la majorité des citoyens a moins de trente ans, les organisations de jeunesse ont suggéré l’instauration de quota pour permettre aux jeunes d’avoir voix au chapitre au sein des partis politiques et des instances de décisions nationales et locales telles que les parlements ou les conseils municipaux. Par ailleurs, les organisations de jeunesse réclament leur participation à l’élaboration et à la mise en œuvre des programmes de développement en leur faveur. De manière générale, la nécessité d’établir des espaces de dialogue institutionnalisés entre jeunes et aînés a été soulignée afin d’éviter que le fossé intergénérationnel ne se creuse davantage et de s’assurer que les revendications de la jeunesse soient mieux comprises par leurs aînés.
Details
- Publication date
- 18 June 2018
- Region and Country
- Regional
- Partner
- Centre pour le dialogue humanitaire - HD